SYRIE : DÉFI HUMANITAIRE ET POLITIQUE
Par Leonor Diez Albuixech
Jeudi 12 décembre 2024
Temps de lecture : 3 min
En douze jours seulement, le régime du clan Assad au pouvoir depuis un demi-siècle en Syrie s’est brutalement effondré dans la nuit du 7 au 8 décembre. Les rebelles sont d’abord entrés dans Damas sans rencontrer de résistance, accueillis par des milliers de Syriens.
Selon des agences de presse russes, en fuite, refugié à Moscou, Bachar al Assad a été chassé du pouvoir par la coalition des rebelles, menés par Abou Mohammed Al-Joulani, ex-membre d’Al-Qaïda et fondateur d’Hayat Tahrir al-Cham (HTC) qui régnait ces dernières années sur Idleb avec un régime souvent décrit comme islamiste, sunnite mais tolérant la présence d’autres minorités.
Alep, Hama, Homs, Damas, ces villes sont tombées les unes après les autres avec peu de combats et d'exactions commises. Cependant d'énormes questions et incertitudes demeurent encore : Vers quel futur s’oriente la Syrie ?
La Syrie est un pays ouvert sur la Méditerranée, raison majeure pour laquelle la Russie avait autant investi avec depuis de nombreuses années.
Mais, même si la Russie avait aidé Bachar al Assad à garder le pouvoir en 2011. Aujourd'hui tout est nettement différent, car la Russie est maintenant tournée vers la guerre en Ukraine ce qui a clairement changé la donne pour la Syrie.
Si on se tourne vers les voisins immédiats de la Syrie, on a la Jordanie, l’Irak et le Liban, qui a par ailleurs connu une arrivée massive de syriens (plus d’un million) en 2013. Autre voisin de la Syrie, Israël, attaqué depuis sa création par le régime de Bachar al Assad et dont le président Benjamin Netanyahu ne se retient pas de rappeler qu’il est à l’origine de l’affaiblissement du Hezbollah libanais, qui sécurisait le régime Assad... Enfin dernier voisin essentiel, la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan qui aspire à exercer une influence majeure dans la Syrie de l'après-Assad, avec qui la relation était mauvaise.
L’autre objectif est de fragiliser l’ennemi kurde (10% de la population syrienne) qui veut profiter de la chute d’Assad pour agrandir leur territoire ainsi que gagner en autonomie.
Au-delà des Kurdes, la population syrienne est une mosaïque : les
Arabes sunnites, les Alaouites, les Druzes mais différentes communautés chrétiennes et les Turkmènes le tout menant à une sorte de crise identitaire pour le pays.
Mais pourquoi si rapidement alors ?
Principalement parce que l’armée était d’une faiblesse absolue au sein d'un pays défaillant (sanctions de la loi César). Une armée dont Assad se désintéressait fortement, il préférait d’ailleurs aller chercher l’appui des milices extérieures en Irak ou au Liban. Enfin, cette armée était également affaiblie parce qu’elle avait du mal à recruter, les jeunes partaient du pays pour éviter d’être pris par l’armée.
Le nouveau pouvoir appelle désormais au retour des Syriens à l’étranger mais aussi ceux qui se sont déplacés et protégés au sein du pays, ce qui est vu en Syrie comme un signe d’espoir. Mais le pays est en ruine, l’économie à plat et plus de 17 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire. Quant à l’Europe, elle s'inquiète majoritairement d’un risque de chaos avec un gouvernement sunnite radical et craignent une crise migratoire majeure comme celle de 2015. Face à cela, la France et d’autres pays prévoient déjà de suspendre le traitement des demandes d’asile des réfugiés syriens.
La situation en Syrie reste donc encore un grand flou avec un mélange d'incertitudes vis-à-vis du positionnement de l’Etat islamique et également à cause du risque d’une balkanisation de la Syrie qui n’est pas totalement rejetée par les experts.